L'affaire qui avait défrayé la chronique en 2010-2011. Cinq noyés dans la Deûle. Un dossier classé sans suite et qui est rouvert désormais. De l'hypothèse d'une série d'accidents à une série de meurtres ?
Que s'est-il passé la semaine dernière ?
Trois jeunes hommes ont été mis en examen et écroués la semaine dernière, soupçonnés d'avoir pris part au meurtre, aux relents d'extrême droite, de l'un des cinq "noyés de la Deûle" à Lille. Les 25 et 26 avril dernier, la section de recherches de la gendarmerie de Lille, chargée de l'enquête, a interpellé quatre personnes. A l'issue des gardes à vue, trois d'entre elles, âgées de 24 à 28 ans, ont été déférées puis mises en examen pour "violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner, en réunion, avec préméditation ou guet-apens et avec arme", précise-t-on de source judiciaire.
"Ces qualifications ne concernent que l'un des cinq décès visés dans l'information", confirme le parquet de Lille. Il s'agit de celui d'un quadragénaire, Hervé Rybarczyk, en novembre 2011. Pour l'instant, cela ne concerne donc pas les quatre autres victimes âgées d'une vingtaine d'années.
Qui sont les 3 mis en examen ?
Tous les 3 sont membres de l'ultra-droite. L'un d'eux a déjà été condamné pour une agression dans un bar gay lillois, le Vice & Versa, en 2013. Lors de la 1ère enquête, entre 2011 et 2014, il avait été soupçonné et entendu par la Police Judiciaire. Mais aucun élément n'avait permis de le mettre en cause pour meurtre.
D'où viennent les éléments nouveaux ?
Des éléments nouveaux ont conduit le parquet de Lille à ouvrir en 2015 une information judiciaire pour les cinq cas. Selon une source au fait du dossier, ces éléments conduisent, mais pour un seul des cinq décès, à "faire le lien avec un mouvement extrémiste". "Il s'agirait d'une agression contre un +antifa+ (antifasciste, NDLR), à qui un guet-apens aurait été tendu".
Lors du procès du WWK ("White Wolf Klan" -"Clan du loup blanc", groupuscule néonazi) à Amiens, il a été question d'un "meurtre à Lille". Mis sur écoute alors qu'il était en prison, un des accusés avait expliqué qu’il lui avait fallu « tuer un homme », à Lille. « Pourvu que le juge n’aille pas chercher trop loin dans ma période lilloise », disait-il (cité par La Voix du Nord présente au procès). Une sorte de mise à l'épreuve pour faire sa place dans ce groupuscule ultraviolent ?
Selon 20 minutes, les trois mis en cause avaient retiré la puce de leur téléphone portable le soir du drame (en novembre 2011) "pour éviter d’être tracé".
Que s'était-il passé en 2010-2011 ?
Entre octobre 2010 et novembre 2011, les corps de cinq personnes, dont quatre hommes âgés de 20, 22, 24 et 27 ans, avaient été repêchés dans le canal de cette rivière bordant la capitale des Flandres. Cette tragique série avait déclenché un vif émoi, l'endroit, jouxtant un parc de verdure, étant très prisé des promeneurs.
Les cinq dossiers avaient fini par être classés sans suite en juillet 2014. Aucune trace de coups n'avait été relevée sur les cadavres et les autopsies avaient conclu à des morts par noyade, notamment après des soirées arrosées. Il était également question de drogue pour deux des noyés. Pour Hervé Rybarczyk, la piste du suicide avait été avancée.
Que va-t-il se passer maintenant ?
Octobre 2010 : John Ani retrouvé noyé. Février 2011 : Thomas Ducroo et Jean-Mériadec le Tarnec. Septembre 2011 : Lloyd Andrieu. Les quatre autres noyades de 2010-2011 sont-elles aussi aussi des meurtres plutôt que des accidents ? "Rien n'est exclu", dit aujourd'hui de la gendarmerie. "La thèse de l'accident explose en vol".
Il faut préciser que l'information judiciaire pour tenter d'élucider cette affaire a été ouverte dès 2015. Elle a été confiée à la section de recherches de la gendarmerie de Lille et non plus à la Police Judiciaire de Lille.
Pour l'instant, les enquêteurs se sont concentrés sur l'élucidation du meurtre d'Hervé Rybarczyk. "Les vérifications pour les autres noyades vont commencer à partir de maintenant", explique la gendarmerie. Les familles, qui, pour certaines, n'ont jamais cru à la thèse de l'accident, sont dans l'attente.